“Maman” : un rôle en or pour Vanessa Paradis
Dans cette pièce écrite et mise en scène par son époux Samuel Benchetrit, Vanessa Paradis est une femme en quête d’une maternité confisquée qui adopte un jeune adulte. Eric Elmosnino et Félix Moati l’accompagnent dans ce beau voyage d’une tendresse infinie et d’une belle émotion pour ses premiers pas sur scène.
Une rencontre nocturne
Elle attend, dans la nuit d’une grande ville où les lumières des réverbères projettent des éclats de fête à la veille de Noël. Devant le rideau de fer de son magasin de vêtements pour femmes enceintes, enveloppée dans un manteau de fourrure rousse, Vanessa Paradis fait les cent pas, frémit d’impatience et de froid en attendant un taxi qui tarde à arriver. Perchée sur des talons aiguilles qui rendent encore plus fragile sa silhouette, la star habite son personnage du mystère que l’on cherche à percer, jusqu’à l’apparition d’un jeune homme qui la remarque. Lui aussi passe, repasse, l’observe à la dérobée, mais curieusement c’est elle qui lui adresse la parole. Pourquoi s’adresse-t-elle à lui ? Que lui veut-elle ? Il s’agit simplement d’exprimer un besoin d’amour, de protection et de tendresse à l’égard de ce jeune paumé qui n’a pas de passé, pour lui fabriquer au moins un présent qui l’aide à survivre et à vivre.
Grand enfant
Félix Moati incarne ce jeune homme sans attaches ni parents, qui se laisse progressivement happer par une femme qu’il croyait être une prostituée et qui deviendra sa mère. L’acteur témoigne d’une belle présence sauvage, féline, face au couple de nouveaux parents constituée par Vanessa Paradis et Eric Elmosnino. Ce dernier, dans un rôle de mari sans saveur, gagné par l’ennui et la routine du couple, est d’un comique acidulé, comme revenu de tout. Il se laisse pourtant convaincre par le désir de son épouse, et la chanteuse, qui fait ici ses premiers pas sur une scène de théâtre, est tout juste lumineuse de sincérité et de simplicité. Ce qui est dit, échangé ici, entre ce couple un peu écorché que l’on observe au diner dans leur salle à manger, et ce jeune homme qui apparaît comme un être providentiel, est d’une banalité et d’une beauté évidentes. Le comédien Gabor Rassov campe un badaud en quête d’amour. L’ennui qui ronge le couple, l’absence d’enfant qui se révèle à travers le traumatisme d’un viol, et les années qui passent et se concrétisent dans des retrouvailles inattendues pour combler cette absence, sont les ingrédients de cette pièce puissamment mélancolique et d’une beauté toute simple. Vanessa Paradis est pour beaucoup dans l’émotion que l’on ressent car elle la distille par petites touches, avec sa grâce, son humour et sa légèreté grave.
Hélène Kuttner
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